Yahya Sinwar

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Yahya Sinwar
يحيى السنوار
Illustration.
Yahya Sinwar en 2013.
Fonctions
Chef du bureau politique du Hamas de Gaza
Dirigeant de facto de la bande de Gaza
En fonction depuis le
(7 ans, 3 mois et 14 jours)
Prédécesseur Ismaël Haniyeh
Biographie
Nom de naissance Yahya Ibrahim Hassan Sinwar
Date de naissance (61 ans)
Lieu de naissance Khan Younès
Parti politique Hamas
Diplômé de Université islamique de Gaza
Religion Islam sunnite

Yahya Sinwar ou Yahya Sinouar (en arabe : يحيى السنوار), né le à Khan Younès, est un homme politique palestinien, considéré comme terroriste par certains États. Il est parfois surnommé Abu Ibrahim (en arabe : ابو ابراهيم).

Il dirige à partir de la fin des années 1980 le service de renseignement du Hamas et organise l'enlèvement et l'assassinat de plusieurs Israéliens et de Palestiniens considérés comme collaborateurs. Il est arrêté en 1989 et condamné par la justice israélienne pour l'assassinat d'une douzaine de personnes et est victime, en prison, d'importants problèmes de santé. Libéré en 2011 dans le cadre d'un échange de prisonniers, il réintègre le mouvement islamiste et en est promu chef de la bande de Gaza en 2017.

Parfois décrit comme un « faucon », il est considéré comme faisant partie de l'aile la plus dure du Hamas. La direction politique vivant au Qatar, Sinwar dirige de facto la bande de Gaza[1].

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse et formation[modifier | modifier le code]

Yahya Ibrahim Hassan Sinwar naît en 1962, dans un camp de réfugiés de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, où il passe ses premières années[2]. Il est diplômé de l'école secondaire de garçons de Khan Younès puis fréquente l'université islamique de Gaza, où il obtient une licence en études arabes[3].

Activités subversives et condamnation[modifier | modifier le code]

Sinwar est arrêté une première fois en 1982 pour des activités subversives et il passe plusieurs mois en prison, où il rencontre d'autres militants palestiniens, y compris Salah Shehade. Il se consacre à la cause palestinienne.

Il est arrêté de nouveau en 1985 ; à sa libération, à la demande de cheikh Ahmed Yassine, il cofonde avec Rawhi Mushtaha le Munazzamat al Jihad w al-Dawa (MAJD ou Al-Majd), l'organisation de la sécurité qui vise à identifier les espions israéliens dans le mouvement palestinien[2], et qui, en 1987, devient la « police » du Hamas. Les « unités du djihad et de la prédication » qu'il dirige brûlent débits de boissons et stocks de revues pornographiques et sont aussi accusées de torturer et d'éliminer les traîtres[4]. Lors d'un interrogatoire en 1988, il reconnaît être l'auteur de plusieurs meurtres, mais ne regrette pas ses actes. Il considère que faire avouer et punir les collaborateurs est un « devoir »[2].

En 1989, il est arrêté par le Shabak, soupçonné de l'exécution de douze « collaborateurs palestiniens ». Il est reconnu coupable de quatre meurtres et condamné à trente ans de réclusion.

Années en prison[modifier | modifier le code]

Yahya Sinwar est emprisonné à Beer-Sheva, dans un complexe situé dans le Néguev. Il porte en prison le matricule 7333335[2].

En 2004, lors d'un entretien avec le dentiste et médecin de la prison — qui deviendra plus tard officier du renseignement israélien dans les prisons — Yuval Bitton, il a des difficultés de mémoire, perd régulièrement connaissance et se plaint de douleurs dans la nuque. Le médecin soupçonne un AVC et Sinwar est envoyé à l'hôpital. Les médecins l'opèrent et lui extraient une tumeur au cerveau, qui aurait pu lui être fatale. Yahya Sinwar remercie le dentiste, expliquant qu'il « lui doit la vie » et ils nouent « une sorte de relation, des ennemis jurés qui faisaient néanmoins preuve d'un respect mutuel prudent », selon le New York Times. Ils passent beaucoup de temps ensemble, prennent le thé, discutent et s'analysent mutuellement. Cependant, contrairement aux autres prisonniers, Sinwar ne parle que du Hamas et du Coran lors de leurs entretiens, récitant la doctrine du mouvement[2]. Yahya Sinwar passe sa période de convalescence à apprendre l'hébreu et lit l'actualité israélienne, cherchant à « mieux comprendre son ennemi ». Le prisonnier traduit des autobiographies de responsables des services secrets israéliens en arabe pour les transmettre au Hamas afin d'analyser leur stratégie de défense[2]. Il obtient aussi un diplôme en histoire.

En raison de sa longue détention, il gagne le surnom de « général » parmi ses pairs ; il est désigné « émir », responsable de la prison et dirigeant du Hamas à l'intérieur de celle-ci, poste qu'il occupe en alternance avec son ancien frère d'armes Rawhi Mushtaha, inculpé en même temps que lui. Selon des rapports rédigés par les autorités israéliennes, Sinwar a la « capacité de transporter des foules » mais « garde des secrets même à l’intérieur de la prison ». Au sein de celle-ci, il est aussi connu pour ses talents de cuisinier, notamment dans la préparation du knafeh[2]. Pendant sa captivité, l'Autorité palestinienne verse à sa famille une pension mensuelle de douze mille shekels.

Durant ses années de prison, il tente de s'évader à plusieurs reprises, notamment en creusant le sol de sa cellule. Il parvient aussi à reste en contact depuis sa cellule, via l'usage de téléphones dissimulés ou par le biais de son avocat et des visites qu'il reçoit. Il est soupçonné d'avoir commandité des exécutions de prisonniers depuis la prison de Beer-Sheva[2]. Le Jerusalem Post rapporte qu'il aurait, durant ses années de prison, agressé sexuellement d'autres prisonniers[5].

Libération[modifier | modifier le code]

Lors de sa détention, Sinwar encourage aussi ses hommes à tenter de capturer des Israéliens, sachant qu'ils pourraient les échanger contre des prisonniers palestiniens. En 2011, après vingt-deux années de détention, Sinwar fait partie des mille prisonniers relâchés par Israël en échange du caporal franco-israélien Gilad Shalit, capturé par le Hamas[6]. Il est cependant mis à l'écart lors des négociations, les Israéliens craignant qu'il ne les fasse échouer. Le docteur Bitton tente de convaincre les autorités de ne pas le libérer, le considérant comme dangereux, mais il est finalement inclus dans l'accord, « n'ayant pas autant de sang juif sur les mains » que les autres détenus de haute valeur. Il s'agit d'une erreur pour Yuval Bitton, qui estime qu'il faut « examiner les capacités du prisonnier à utiliser ses compétences contre Israël et pas seulement ce qu’il a fait – son potentiel. »[2]. Il est alors accueilli en héros à Gaza, défilant aux côtés d'Ismaël Haniyeh, et appelle aussitôt les brigades Izz al-Din al-Qassam à commettre d'autres enlèvements d'Israéliens pour obtenir d'autres libérations de prisonniers[2],[4].

Chef du Hamas à Gaza[modifier | modifier le code]

En , il est déclaré « terroriste » par le gouvernement des États-Unis[7].

En , Yahya Sinwar est élu à la tête du bureau politique du Hamas en remplacement d'Ismaël Haniyeh, et devient ainsi dirigeant de facto de la bande de Gaza[4],[2].

Dès le premier jour de la Marche du retour, le , Sinwar se rend sur le lieu des manifestations et y annonce que des manifestations similaires se dérouleront chaque vendredi « jusqu’à ce que les Palestiniens reviennent sur ces terres dont ils ont été expulsés il y a soixante-dix ans »[8] et « jusqu'à ce que la frontière disparaisse »[9]. Le , il annonce être prêt à mourir avec d'autres chefs du Hamas pour mettre fin au blocage de la frontière[10] ; le lendemain, il déclare :

« Quel est le problème si des centaines de milliers de personnes franchissent ces barbelés qui ne sont même pas une frontière reconnue ? Cette clôture, ce n’est pas une vache sacrée ou un tabou qu’on n’a pas le droit de toucher[11]. »

Plus d'un mois après le début de la Marche du retour, il accorde une interview à une journaliste italienne travaillant pour le quotidien israélien Yediot Aharonot — il affirmera plus tard qu'il ne savait pas que son interlocutrice travaillait pour un journal israélien — dans laquelle il déclare : « Une nouvelle guerre n’est dans l’intérêt de personne, certainement pas dans notre intérêt. Qui voudrait se confronter à une puissance nucléaire avec seulement quatre frondes ? La guerre ne mène à rien[12]. »

En mars 2021, il est réélu pour un mandat de quatre ans à la tête du bureau politique du Hamas à Gaza[3].

Lors de la vague terroriste de 2022, Yahya Sinwar, déclare après l'attentat d'El'ad qui a fait trois morts et trois blessés graves : « Que chacun prépare chez lui son fusil ! Et s’il n’en a pas, qu’il prépare sa hache ou son couteau[13] ! »

Il est supposé être à l'origine de l'attaque contre Israël du qui fait plusieurs centaines de morts[3]. Le , au début des incursions de Tsahal dans Gaza, il se dit prêt à conclure « immédiatement » un échange des otages contre « tous les prisonniers » palestiniens incarcérés par Israël[14]. Il est activement recherché par Israël[15]. Le , le procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, soumet une requête à la Cour pour la délivrance d’un mandat d’arrêt contre lui en raison de son rôle dans l'organisation des attaques du , en même temps que deux autres responsables du Hamas, Mohammed Deif, commandant des Brigades Al-Qassam, branche armée du Hamas, et Ismail Haniyeh, chef du bureau politique du Hamas. Le Premier ministre d'Israël Benyamin Netanyahou et son ministre de la Défense Yoav Gallant sont aussi visés par la même requête en raison des actions militaires israéliennes dans la bande de Gaza[16].

Positions politiques[modifier | modifier le code]

Parfois décrit comme un « faucon »[1], il est considéré comme faisant partie de l'aile la plus dure du Hamas[4]. Selon The Guardian, il « rejette toute réconciliation avec Israël »[17]. Le New York Times révèle certaines de ses conversations avec Yuval Bitton, dans lesquelles il affirme son opposition à la solution à deux États, déclarant : « c’est la terre des musulmans, pas la vôtre – je ne peux pas céder cette terre. »[2].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b (en) Neri Zilber, « ‘Dead man walking’: How Yahya Sinwar deceived Israel for decades », sur Financial Times, .
  2. a b c d e f g h i j k et l (en-US) Jo Becker et Adam Sella, « The Hamas Chief and the Israeli Who Saved His Life », The New York Times,‎ (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )
  3. a b et c « Yahya Sinwar », sur Jewish Virtual Library, .
  4. a b c et d Cyrille Louis, « Yahya Sinwar, un faucon à la tête du Hamas à Gaza », sur Le Figaro, .
  5. (en) « Rape, sexual abuse, and pedophilia: How Hamas leader Sinwar ruled the yard », (consulté le )
  6. « Gaza : qui est Yahya Sinouar, le nouvel homme fort du Hamas ? - Jeune Afrique.com », sur JeuneAfrique.com (consulté le )
  7. (en) « Terrorist Designations of Yahya Sinwar, Rawhi Mushtaha, and Muhammed Deif », sur Archive wikiwix, United States Department of State, .
  8. « Sinwar : "Les manifestations à Gaza continueront jusqu’à la mort de la frontière" », sur The Times of Israel, .
  9. « "Jour de la Terre" à Gaza : plusieurs Palestiniens tués par l'armée israélienne », sur RFI, .
  10. (en) « Hamas terror chief hopes to see hundreds of thousands storm Israel-Gaza fence », sur The Times of Israel, .
  11. « Pour le Hamas, la frontière israelienne n'est pas (...) un tabou », Libération du 12 mai 2018.
  12. « Une interview de Sinwar présélectionnée pour le Prix de la presse européenne », sur The Times of Israel, .
  13. Martine Gozlan, « Israël : le Hamas demande aux Palestiniens de "sortir haches et fusils" », sur Marianne, .
  14. « Le Hamas "prêt à libérer les otages contre tous les détenus palestiniens" : de la terreur psychologique, selon Tsahal », sur i24News, .
  15. « Le compte à rebours pour capturer le chef du Hamas », sur LCI (consulté le ).
  16. « Le procureur de la Cour pénale internationale réclame des mandats d’arrêt contre Benyamin Nétanyahou et trois leaders du Hamas pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité », sur Le Monde,
  17. (en) « Election of new Hamas Gaza Strip leader increases fears of confrontation », sur The Guardian, .

Liens externes[modifier | modifier le code]